ART

Les drapeaux maritimes de Claude Augsburger

Les couleurs fascinent Claude Augsburger. Surtout si elles sont pures, contrastées et qu'elles font «grincer des dents». Ses drapeaux maritimes sont exemplaires à cet égard. Depuis 1983, l'artiste les intègre à ses tableaux en damier. Il crée aussi des bannières, cousues dans une usine de Langenthal. Né en 1957 à La Chaux-de-Fonds, et bernois d'origine, Claude Augsburger vit de son art depuis quelques années. En parallèle, il est consultant coloriste pour des bâtiments fédéraux ou cantonaux. A ce titre, il est intervenu aux douanes de Perly et Thonex, à l'école des pilotes de Sion, à la caserne de l'aérodrome de Payerne ou aux constructions de l'administration fédérale à Genève. Le public de la gare de Lausanne peut admirer certaines de ses oeuvres installées depuis les travaux de rénovation. Ce chantier n'est pas terminé. Le hall principal n'accueillera que sous peu une de ses sculptures faite de trois étroites bandes métalliques de 12m de hauteur, aux couleurs pimpantes. «Le but est d'amener le voyageur à lever le nez sur les détails architecturaux du plafond», explique M. Augsburger.

 

Drapeau à message

Lors d'un voyage aux Etats-Unis en 1985, il découvre l'art multiséculaire des drapeaux maritimes. Leur rigueur géométrique et leurs couleurs contrastées répondent à une exigence très ancienne: pouvoir être vus et compris de loin. Avant l'ère de la radio ou des signaux lumineux, ces drapeaux «parlaient» au marin. Ils représentent une lettre de l'alphabet et sont aussi les messagers d'une information ou d'un danger. Celui-ci dit «Je demande assistance», celui-là «Un homme à la mer», cet autre «Scaphandrier en plongée, tenez-vous à distance et avancez lentement». En détournant l'objet de sa fonction, l'artiste en verbalise la poésie. Il conçoit des diptyques géométriques permettant un nombre infini de variations. Ceux-ci sont composés d'une toile le plus souvent carrée, peinte d'aplats monochromes en damier assortie d'un drapeau en tissu synthétique réalisé dans une usine bernoise. La plupart ont fière allure. Dénuées du sens de la profondeur, ces toiles sont toutefois dotées de présence, peut-être par le fait que les couleurs s'opposent. «Le drapeau suisse est très beau; d'ailleurs, plus un drapeau est simple, plus il est fort», estime M. Augsburger qui a enseigné six ans au département d'architecture de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne. Cette conviction l'amène à réaliser des peintures que l'ont pourrait rapprocher des oeuvres de jeunesse de Vasarely, de celles des Suisses Max Bill ou Christian Floquet. L'artiste ne nie pas ses filiations. Ses toiles rappellent aussi des oeuvres d'Américains catalogués «nouvelle géométrie», dans les années 80, ou celles des partisans du «signal art» des années 60.

 

Artiste collectionneur

Souriant et volubile, l'artiste est aussi «tintinophile et collectionne divers livres et objets évoquant le aventures de Tintin. Son atelier dans un magnifique parc de Lausanne, abrite aussi une série de modèle réduits d'ambulances et, nécessairement, plusieurs armoriaux. «L'art est l'expression profonde d'un individu et toute oeuvre d'art est subversive puisqu'elle incite à la réflexion», déclare M. Augsburger. A son avis, l'art est une thérapie pour l'artiste, mais il est aussi une thérapie pour la société. Les dernières réalisations six grands drapeaux fixés à des mâts, seront visible lors d'une exposition collective à la piscine de Nyon du 4 septembre au 5 octobre.

Philippe Triverio (ats)

 

paru été 1996 dans différents quotidiens romands